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Le 2 octobre 2018, l’Association Femmes Débat Société accueillait le Général DURIEUX, Chef du Cabinet Militaire du Premier Ministre.


En le remerciant de sa présence, la Sénatrice Catherine DUMAS lui présente brièvement l’Association qui réunit des femmes de droite et du centre qui s’intéressent au débat public tout en étant en postes de responsabilité dans leurs divers domaines d’activité.


Saint-Cyrien, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Université de Georgetown aux USA, le Général DURIEUX a effectué l’essentiel de sa carrière dans la Légion Etrangère qu’il a encadrée dans les Balkans ainsi qu’en Afrique avant de rejoindre l’Etat Major des Armées, puis d’occuper le poste d’adjoint au cabinet militaire du Ministre de la Défense, de diriger le Centre des Hautes Etudes Militaires (CHEM), de commander la 6ème Brigade Légère blindée et d’être nommé chef du cabinet militaire du Premier Ministre. Docteur en histoire, il a publié « Relire De la guerre de Clausewitz » chez Economica et dirigé plusieurs autres publications.


L’orateur commence par préciser le contenu de sa mission actuelle auprès du Premier Ministre à savoir lui permettre d’exercer ses responsabilités en matière de défense, responsabilités qui concernent la souveraineté de l’espace aérien, l’action de l’Etat en mer et la cyber-défense. Il lui incombe en outre de préparer les réunions et d’arbitrer entre les ministères les questions concernant les problèmes de défense. Le Général DURIEUX précise que le poste de responsable du cabinet militaire de Matignon échappe à toute considération politique.
Le Général DURIEUX identifie 4 défis principaux en matière de défense :


• Le premier est de nature philosophique : Qu’est-ce que la guerre aujourd’hui ? Autrefois, la guerre était une expérience concrète, elle relève aujourd’hui d’une perception mystérieuse. Alors qu’elle a été une institution qui visait à canaliser la violence à l’intérieur d’une durée et d’un espace bien définis en vue d’aboutir à un règlement pacifique, il s’agit maintenant de contre-terrorisme.


• Le second est politique. Le cadre qui était habituel jusqu’à l’an 2000 s’est fragilisé qu’il s’agisse de l’OTAN, des liens avec les USA, avec la Grande-Bretagne, des synergies avec les alliés, avec des Etats qui décident peu ou mal. La dépendance à des systèmes d’armes complexes s’est accrue.


• Le troisième est militaire : nous sommes face à des guerres hybrides telle l’action russe en Ukraine et en Syrie. La guerre relève de politiques de puissance et ne reste plus cantonnée à des limites. Elle se pulvérise en micro-conflits comme on le constate en Afghanistan, en Syrie, où de multiples groupes mouvants s’affrontent. Le désordre s’instaure en matière de durée et d’objectifs. Doit-on privilégier le long terme ou la réactivité immédiate ?


• Le quatrième est de nature sociale, sociétale. Il y a toujours eu une tension historique entre l’armée et la société qui la porte. Or, l’armée ne doit pas s’écarter de la société tout en n’y restant pas trop liée au risque de perdre en efficacité. Un exemple : la directive européenne de 2003 sur le temps de travail est inapplicable pour l’armée et le Président de la République de l’époque a dû l’en exonérer.


Ces défis, bien sûr, ne sont pas exhaustifs : on peut, par exemple, leur ajouter l’instantanéité alors que la guerre demande du temps pour faire changer l’autre.


En conclusion, le Général DURIEUX se réjouit de constater l’intérêt que portent les citoyens concernés aux problèmes de défense.


Le nombre et la diversité des questions de l’assistance ont permis au Général DURIEUX de développer les points suivants :


• L’Intelligence artificielle est de plus en plus utilisée, entre autres en matière de reconnaissance d’images. La capacité d’analyse peut intégrer de nombreuses analyses qui aboutissent à fournir des solutions moyennes. Or, la guerre doit surprendre l’adversaire.


• En ce qui concerne l’opération Sentinelle, il n’est pas sain d’avoir des soldats dans la rue. Ce sont les policiers qui doivent s’y trouver. L’armée n’y fournit en réalité qu’une présence symbolique.


• Alors que la France veut une politique européenne de défense, ses partenaires européens gardent confiance dans l’OTAN, qui remplit aussi le rôle de forum politique.


• Il n’est pas adéquat de parler de cyber-guerre. On peut imaginer des attaques cyber massives qui conduisent à entrer en guerre. Ces attaques peuvent revêtir plusieurs formes : 

- Une attaque sous forme d’espionnage qui permette à l’ennemi la captation de données.
- Une attaque sous forme de sabotage, telle celle qui a été menée contre les centrifugeuses iraniennes.
- Une attaque sous forme de manipulation de l’information.
- Des actions à but monétaire, à caractère financier.

Les services secrets ont utilisé les trois premiers types d’action. Il est toujours difficile d’identifier et de prouver l’existence de cyber-attaques, difficile aussi de les distinguer des actions de communication (cf. le roman Blackout sur les effets d’une suppression à grande échelle du courant électrique).


• Les pays d’Europe de l’Est restent méfiants vis-à-vis de la Russie et se tournent vers les USA sous couvert de l’OTAN. La France essaie de les rassurer en étant ferme vis-à-vis des Russes et en veillant à l’équilibre des armements, alors que les Russes procèdent à des intimidations et que la politique américaine inquiète. La France a missionné des soldats dans les pays baltes. L’Europe de la défense a été proclamée il y a 15 ans. Elle est aujourd’hui critiquée parce que jugée irréelle. Les projets communs voulus par l’Europe de la défense restent difficiles à mettre en œuvre du fait des différences de calendrier entre pays, de la diversité des besoins, de l’égoïsme industriel, des différentes approches en matière d’exportation d’armements vers les pays hors de l’Union Européenne. Pour y parvenir, il faut en effet obtenir l’accord de tous les pays qui fabriquent les composants des armements à exporter.
Or, le marché français, à lui seul, ne justifie plus notre programme d’armement. Enfin, au total, la défense européenne coûte plus cher que la défense nationale.


• Alors que des doutes apparaissent sur la protection américaine, l’Europe a acquis une culture stratégique qu’elle pourrait lui faire partager. Nous savons ce que coûte la guerre. Nous savons aussi qu’à son terme nous devrons vivre avec l’ennemi. L’action militaire doit, donc, être conduite en vue d’une paix utile.


• Le Service National Universel, tel qu’il est envisagé, ne sera pas militaire. Il se déroulera en deux phases : une phase universelle qui concernera tous les jeunes de 16 ans pendant un mois. C’est une sorte de complément à l’éducation nationale. La seconde phase concerne les jeunes de 18 à 25 ans : c’est un Service Civique de 6 mois assuré sur une base volontaire auprès de services publics, d’associations ou de collectivités locales.


• L’arme nucléaire a un effet dissuasif, mais il faut repenser cette dissuasion du fait de la multiplication de ces armes. Il reste de nombreuses zones inquiétantes : le Levant et l’Iran dont les acteurs, Sunnites, Chiites, Israël …sont incontrôlables, où la Russie est triomphante et la politique américaine peu lisible. Le plus menaçant pour nous consiste dans la faillite de plusieurs Etats Africains dont de nombreux compatriotes vivent en France. Il faut également mentionne la mer de Chine et la Corée.


• Enfin, si la guerre est une négociation par d’autres moyens, on ne négocie pas avec le terrorisme.


En conclusion, la présidente Catherine DUMAS remercie vivement son hôte d’une intervention si intéressante, en particulier sur la philosophie de la guerre comme sur le rôle de la Chine et l’ouverture de la route de la soie, qu’elle justifierait une nouvelle invitation. Elle rappelle que le prochain déjeuner de l’Association est fixé au mardi 6 novembre.