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Le mardi 11 février 2020, Femmes Débat Société accueillait Jean-Pierre RAFFARIN lors de son déjeuner mensuel.

Difficile de résumer l’intervention de Jean-Pierre RAFFARIN devant les membres de FDS à l’occasion de la sortie de son livre : Chine, le Grand paradoxe : sa maîtrise impressionnante du sujet et sa riche expérience personnelle en font un connaisseur unanimement reconnu de la Chine. FDS se félicite d’avoir pu bénéficier de ses analyses et le remercie de nous avoir fait partager son expertise avec une grande générosité sans ménager son temps ni éluder les nombreuses questions.

La présidente de FDS, Monique RONZEAU, après l’avoir accueilli, rappelle en préambule que Jean-Pierre RAFFARIN a été l’un des parrains-fondateurs, il y aura bientôt vingt ans, de Femmes, Débat & Société. L’objectif était alors de mobiliser les femmes de droite et du centre au service du débat public et des grands enjeux sociétaux. Pari tenu !!!

Inutile de présenter l’orateur : sa notoriété nationale (il a été l’un des premiers ministres de Jacques CHIRAC de 2002 à 2005) et sa proximité avec FDS suffisent à le situer. Toujours soucieux de promouvoir des femmes aux postes de responsabilité, il suggère de substituer l’alternance à la parité : par exemple, à une majorité d’hommes dans les instances dirigeantes pourraient succéder une majorité de femmes et inversement ensuite.

En France, on connaît mal la Chine, pays très contrasté où règne l’association des contraires : c’est le plus grand pollueur du monde en même temps que le champion de la lutte anti-pollution. C’est aussi un pays très centralisé : le parti communiste compte 90 millions de membres, plus que de français vivant sur cette terre….

Pourquoi Jean-Pierre RAFFARIN a-t-il écrit « ce » livre ? D’une génération nourrie à la connaissance et à l’influence de l’Amérique (à cette époque paraît l’ouvrage de Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER : Le Défi Américain), il souligne la nécessité aujourd’hui de préparer, notamment les jeunes, à relever un autre défi : la Chine est la plus grande nation du monde, mais nos derniers présidents de la République n’y étaient jamais allés avant leur élection…. Elle est assise sur 5000 ans d’histoire, mais celle-ci n’est pas connue dans nos pays européens. Alors que chez nous, en France, le révolté, le rebelle jouit d’une aura romantique, en Chine, c’est un coupable, coupable d’atteinte à une valeur chinoise essentielle : l’Unité. Chez nous, on raisonne comme un moteur à trois temps : thèse, anti-thèse et synthèse. La Chine se contente d’un moteur à deux temps : thèse et anti-thèse. Pour nous, le temps est linéaire ; on part de zéro pour aboutir à une culture de création. En Chine, on se transforme, on s’adapte : il n’y a pas de point zéro. Un contrat signé la veille peut se dénoncer le lendemain.

La Chine va devenir une puissance considérable et sera fréquentée par des jeunes. Elle sera la première économie du monde en 2050. Avec l’avènement de XI JIN PING, on a cru à son évolution vers une société libérale, ce qui s’est avéré erroné, le Parti communiste gardant une main ferme sur la société. Aujourd’hui, tout s’y accélère : à population sensiblement égale, la ville de Châtellerault avait noué des liens avec celle de Shenzen. Quelques années après, celle de Shenzen s’évaluait à 8 chiffres tandis que celle de Châtellerault se contentait de doubler ou tripler.
La Chine est-elle une puissance agressive ? Non ! Comme tout pays, la Chine roule pour elle-même, mais elle n’a jamais fait la guerre hors de chez elle, alors que l’histoire montre que les européens l’ont fait à de nombreuses reprises (exemple de la guerre de l’opium). La Chine cherche à se développer à son rythme et à développer une classe moyenne. Au tout début de ce siècle, la Chine a réalisé qu’elle allait devenir la première nation du monde, mais elle a adopté une stratégie de discrétion. Puis en 2008, elle a décidé d’assumer sa position et ce furent l’Exposition Universelle, les Jeux Olympiques. Elle a cherché un leader susceptible d’incarner la puissance chinoise au niveau mondial avec XI JIN PING et a développé de grands projets, telle la route de la soie. Elle participe maintenant à la gouvernance du monde.

Devant ce réveil, le monde a eu peur. Avec l’arrivée de D.TRUMP et alors que beaucoup de chinois ont de la sympathie pour les USA, le nouveau président instaure une tension avec la Chine qui sera longue et durable. L’Amérique a peur de la Chine et la Chine veut prendre la place de l’Amérique, ce qui engendre une relation nécessairement conflictuelle, mais l’Amérique a aussi conscience des risques économiques encourus, notamment en Bourse. Si guerre il doit y avoir, ce sera probablement sur l’indépendance de Taïwan.

Quelle place pour l’Europe dans ce contexte ? Clairement sous pression américaine, comme en témoigne l’affaire Hua Wei : désireuses d’utiliser la 5 G, les entreprises européennes s’en voient dissuadées par les Etats-Unis. De même, ils ont encouragé le Brexit, pénalisé les échanges européens avec l’Iran, etc … Au final, faute d’une stratégie commune, l’Europe risque de n’être qu’une balle de ping-pong à la merci des ambitions des Etats-Unis et de la Chine, stratégie commune à construire grâce à une collaboration franco-allemande. Or, l’Allemagne qui n’approuve guère notre gestion économique, est elle-même plombée par sa crise automobile, son recours à l’énergie du charbon et ses problèmes migratoires. Sur le plan de la sécurité, la France ne peut plus compter uniquement sur les américains : il lui faut se rapprocher de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine…. L’urgence : préparer nos jeunes esprits à l’état du monde, à comprendre l’Asie.

En réponse aux nombreuses questions de l’assistance, Jean-Pierre RAFFARIN souligne les points suivants :

  • la pénétration chinoise en Afrique suscite des inquiétudes. Elle ne respecte ni les règles de l’OCDE ni les lois des Etats, d’où une concurrence inégale. Mais ce sont les Etats-Unis qui refusent d’admettre la Chine dans l’OCDE. Notre organisation est liée de près aux Etats-Unis, alors que nous aurions intérêt à traiter les américains comme les chinois.
  • on attribue souvent la position des Etats-Unis à l’élection de D.TRUMP. En réalité, tout a commencé avec B.OBAMA, l’actuel président n’a fait qu’accélérer l’évolution. Nous-mêmes européens, avons mis V. POUTINE dans les bras des chinois à la suite des tensions apparues dans les pays baltes et dans les pays de l’Est. Un exemple ? Vient d’être distribué en Suède un livret indiquant quoi faire en cas de guerre avec la Russie …Il est urgent que la diplomatie européenne – franco-allemande en particulier - ouvre le dialogue avec la puissante diplomatie russe.
  • la démographie africaine explose : d’ici 2040, un milliard de jeunes africains seront à intégrer. La France, à elle seule, n’en a pas les moyens. Il faut qu’elle établisse un dialogue avec les pays africains concernés et avec les chinois qui, en Afrique, ont besoin de partenaires.
  • en Iran, l’Europe a jusqu’à maintenant encouragé la modernisation. Elle cherche aujourd’hui un accord de désarmement et elle a besoin de la Chine, qui est le premier partenaire commercial de l’Iran, pour l’y aider.
  • la Chine est un pays où règle une totale sécurité, au moyen entre autres de la reconnaissance faciale. En France, il n’en va pas de même: c’est plutôt le règne du « pas vu, pas pris ». Le vrai problème est ce que la Chine va faire de ces données. Il faut se souvenir qu’en Chine le groupe l’emporte toujours sur l’individu.
  • sur le plan démographique, la Chine est sortie de la politique de l’enfant unique. On peut raisonnablement penser que l’Inde et l’Afrique vont parvenir à maîtriser leur démographie. C’est aux pays eux-mêmes qu’il revient de le faire, car les peurs qui envahissent les pays d’immigration ne règlent rien.
  • en matière d’éducation, les exigences asiatiques sont très fortes. Un enfant coréen peut devoir travailler une quinzaine d’heures par jour. Les plus jeunes sont soumis à des pressions analogues à celles qui règnent au sein de nos « prépas ». Ces populations développent une grande puissance de travail.

C’est à Françoise VILAIN, Présidente d’Honneur de l’Association, qu’est revenue la mission de remercier l’orateur pour avoir partagé son incomparable expérience d’un pays qui reste trop méconnu en France. Comment ne pas inciter nos jeunes à se familiariser d’urgence avec la Chine : acteur majeur du monde de demain ?