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Mardi 1er février 2022, l’association Femmes Débat & Société recevait Alain Bauer.

Alain Bauer est professeur de Criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), professeur associé à l’Université́ Fudan (Shanghai), senior research fellow au « Center of Terrorism du John Jay College of Criminal Justice » à New York (Etats-Unis), et à l’université́ de Droit et de Sciences Politiques de Chine (Beijing). Parallèlement il exerce de fonctions de conseil auprès de la police de New-York (NYPD), de la Sûreté du Québec (SQ) et du Sherif de Los Angeles (LASD). Il est également membre de la Task Force de l’OCDE sur le commerce illicite, membre du groupe d’experts sur le crime organisé (SOCTA) EUROPOL, ...

Alain Bauer a également exercé de multiples activités au sein de diverses institutions : à titre d’exemple, il a présidé le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques (CSFRS) auprès du Président de la République entre 2009 et 2019, et le Conseil National des Activités Privées de Sécurité́ (CNAPS) de 2012 à 2017.

Par ailleurs il a publié une petite cinquantaine d’ouvrages sur les questions criminelles et de sécurité net de terrorisme depuis 1998. Grand maitre du Grand Orient de France de 2000 à 2003, il a également écrit une trentaine d’ouvrages sur le sujet. Enfin, sa passion pour la gastronomie, l’a conduit, après avoir été directeur du Guide Champerard pendant de nombreuses années, à publier très récemment « Confessions gastronomiques, le restaurant d’après « ...

Alain Bauer a tout d’abord évoqué les questions statistiques de l’insécurité en insistant sur le fait qu’il n’y avait aucun outil fiable ou stable de calcul de la criminalité et de la délinquance. Selon lui, il n'y a que des outils partiels, parcellaires et partiaux, qui ne prennent en compte qu'une partie de la criminalité, la partie connue ou déclarée. Ils sont utilisés pour des raisons politiques, non pas comme un outil de connaissance du crime, mais d'analyse de l'efficacité de la réponse publique au crime. Pour avoir un outil fiable, il faut un dispositif qui comporte à la fois l'outil déclaratif, ce que les gens déclarent, l'outil de constatation, ce que la police cherche et trouve, et l'outil de victimation, ce que les gens disent avoir subi même quand ils ne l'ont pas déclaré. Ce qu'on connaît le moins, par exemple, ce sont les violences physiques et sexuelles à domicile. Il y a 9 % de plaintes par rapport à l'ensemble de la victimation déclarée. On se plaint beaucoup plus d'un vol de rétroviseur que d'une violence physique répétée chez soi. Quand vous avez ces trois outils, vous vous approchez de la réalité.

Autrement, il reste l'homicide, le seul outil stable d'analyse de la violence ultime d'une société. En cinq siècles, on est passé de 150 homicides pour 100 000 habitants à moins de 2. Après avoir enregistré des minima historiques à partir de 2009 (moins de 600 faits) on constate une forte reprise depuis 2015. Le problème en France est qu’en établissant un monopole de la sécurité publique, l’État est devenu le comptable de la question criminelle, contrairement à la majorité des autres pays dans lesquels la compétence est partagée entre le local et le national. De ce fait, il est jugé sur les chiffres de la délinquance et peu sur son efficacité.

Les élites politiques ne savent pas répondre au climat d’insécurité autrement que par des postures appliquant ce qu’Alain Bauer appelle le triptyque « négation-minoration-éjection » à savoir « ce n’est pas vrai, ce n’est pas grave, ce n’est pas de ma faute » !!!

A sa décharge, le gouvernement actuel est victime d’une décision stupidement comptable de son immédiat prédécesseur, qui a supprimé à la fois l’enquête de victimation et son outil de compréhension, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).

Il ajoute que nous disposons d’un outil supplémentaire avec « l’homicidité « qui permet d’ajouter aux homicides, les tentatives et les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort. Au regard de ce ces statistiques, il est incontestable que la dégradation est réelle et importante. Pour lui, la solution consisterait à travailler avec les moyens de la science et de l’expertise permettant de mener une action claire et . pertinente des acteurs du processus pénal.

Alain Bauer a ensuite abordé la gestion de la crise sanitaire et établi un parallèle entre la criminologie et la médecine : il doit y avoir un diagnostic partagé, un projet de pronostic discuté et une thérapeutique disputée. Il peut y avoir des divergences sur la thérapeutique à appliquer ...

Dans le cas de la gestion de la pandémie, aucun de ces trois éléments n’a fait l’objet d’une réflexion ; et ceci a été aggravé par ce qu’il appelle le péché originel, à savoir la mascarade et le mensonge à propos des masques des autorités scientifiques qui se sont prêtées à une médiatisation débridée.. La communication sans rareté de la parole, sans distance et sans contenu a été suicidaire pour l’autorité scientifique qui s’est décrédibilisée aux yeux des citoyens. Alain Bauer a rappelé qu’en matière criminelle, de terrorisme ou sanitaire tout ce qui parait nouveau est en fait ce qu’on a oublié...

Avec son humour habituel, il raconte comment pour des raisons bêtement comptables, on a systématiquement détruit en 2011, tout le dispositif remarquable d’anticipation du bio terrorisme, d’une pandémie et de la gestion d’une crise. La crise attendue au moment de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 ne s’étant pas produite, on a considéré qu’il n’y aurait jamais de crise sanitaire ... Or, depuis la grippe espagnole de 1918, la grippe asiatique de 1956, celle de Hong Kong de 1968 ou la H1N1 de 2009, nous n'avons pas manqué d'alertes ni d'études scientifiques de grande qualité pour nous alarmer.

Monique RONZEAU remercie très chaleureusement Alain Bauer qui a apporté avec brio son éclairage d’expert particulièrement pertinent sur ces sujets de sécurité publique ou sanitaire et de gestion de crises , qui sont au cœur des préoccupations de notre société. 

Mardi 7 décembre 2021 : l’Association Femmes Débat & Société recevait Aurélie Jean

FDS se réjouit d’accueillir Aurélie JEAN, auteure d’un ouvrage à succès de la dernière rentrée littéraire : Les algorithmes font-ils la loi ? Scientifique numéricienne et entrepreneuse spécialisée dans les algorithmes et la modélisation numérique, Aurélie Jean nous présente et nous dédicace son dernier ouvrage.

Docteure en science numérique et entrepreneure, Aurélie Jean est l’une des figures de la science algorithmique. Elle est l’auteure d’un premier livre à succès, De l’autre côté de la Machine (L’Observatoire, 2019) et chroniqueuse pour Le Point.

C’est un fait : les algorithmes rythment nos vies. Ils nous aident à nous déplacer, à travailler, à nous soigner, et même à légiférer. Certains, alarmistes, diraient qu’ils sont de partout… Or, peu d’entre nous les comprennent, sans parler d’en maîtriser les subtilités. Nos dirigeants, parlementaires et nos juristes n’y font pas exception, et participent pour certains à augmenter la confusion autour de leur utilisation et de leur supposé danger… Pourtant, il est aujourd’hui nécessaire, voire capital, de comprendre le fonctionnement des algorithmes développés, mais aussi d’anticiper leur développement, de l’encadrer et de l’accompagner aussi judicieusement que justement.

Une chose demeure cependant certaine : les algorithmes ne disposent d’aucune personnalité juridique face à un tribunal. En revanche, s’ils ne peuvent réellement faire la loi, ils l’influencent et en orientent désormais la pratique. Mal employés, ils deviennent une menace pour ses principes de transparence et d’équité. Bien maîtrisés, ils peuvent, au contraire, guider ceux qui la font et l’exercent afin de garantir le traitement égalitaire de chacun face à la justice.

Consciente du défi qui nous attend, Aurélie Jean nous appelle à agir et propose de dompter (plutôt que de réguler) les algorithmes à travers des lois souples et anticipatrices, afin de ne rien sacrifier au progrès tout en les pensant dans la plus grande objectivité scientifique, sociale et économique. Car c’est cette même transparence intrinsèque à l’exercice de la justice qui doit s’appliquer dans le champ des algorithmes afin de permettre à chacun – du citoyen au législateur – de garantir l’harmonie, la justice et l’essor intellectuel au sein de nos sociétés.

Les échanges nourris à la suite de cette passionnante présentation montrent à quel point le sujet bien que mal connu soulève de nombreuses questions : comment se former pour ne pas être instrumentalisé à l’ère du télétravail généralisé ? faut-il et comment encadrer le phénomène pour contrer le danger d’une « jungle algorithmique » ? comment alerter les jeunes générations au moment de leur formation et de leur apprentissage des outils numériques ? quels sont les défis liés à l’utilisation croissante à l’intelligence artificielle ?

Un grand merci à Aurélie JEAN pour nous avoir fait partager sa connaissance du domaine avec un sens de la pédagogie salué par toutes les participantes.

Mardi 9 novembre 2021 : l’Association Femmes Débat & Société recevait Annick Billon.

Rien d’étonnant à ce que l’Association Femmes Débat Société accueille la Sénatrice de Vendée : Annick BILLON dans le cadre de ses déjeuners mensuels. L’Association et la Sénatrice partagent, en effet, une même préoccupation : la parité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines.

En souhaitant la bienvenue à son invitée, la Présidente de FDS, Monique RONZEAU, souligne la place importante qu’occupe le thème de la parité dans l’actualité sociale. Annick BILLON joue dans ce domaine un rôle important puisqu’entre autres activités, elle est au Sénat membre de la commission de la culture, de la communication et de l’éducation, Présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Si l’on constate aujourd’hui une augmentation de l’inégalité entre hommes et femmes, on constate aussi que cette inégalité est très disparate suivant les secteurs d’activité et les lieux de vie. On ne trouve nulle part mention de la parité hommes-femmes dans la récente réforme de la Haute Fonction Publique, mais elle est devenue obligatoire dans les organismes publics. Elle progresse également dans les grandes agglomérations à défaut d’y parvenir dans les zones rurales. Femmes Débat Société soutient évidemment le développement de tous les dispositifs permettant de progresser vers la parité.

Tout en signalant qu’elle n’a pas eu personnellement à souffrir dans sa carrière de l’inégalité hommes-femmes, Annick BILLON indique que les droits des femmes ont reculé avec l’arrivée de la pandémie. Dix ans après l’adoption de la loi Coppé-Zimmermann, le chemin vers une parité réelle est encore long. En milieu rural, la situation est très différente : l’accès à la formation, à l’orientation, à une gynécologie médicale, à une prévention, l’obtention du permis de conduire, par exemple, y sont beaucoup plus difficiles qu’en milieu urbain. Alors que 11 millions de femmes en France vivent en milieu rural, on constate l’absence de gynécologie médicale dans 13 des départements du pays.

La ruralité amplifie les problèmes. C’est là qu’on constate le plus souvent les abus les plus graves : viols, prostitution organisée. C’est là que se produisent 50% des féminicides, que les femmes sont le plus facilement enfermées dans des stéréotypes. Elles souffrent de sujétion économique : difficile de trouver un travail à proximité, une formation universitaire à une distance accessible. La mobilité se trouve souvent au centre du problème. Et quid des familles monoparentales : comment concilier le soin des enfants avec une occupation professionnelle ? La loi Coppé Zimmermann s’applique mieux aux instances dirigeantes qu’aux communautés rurales. En tant qu’élue locale, Annick BILLON est particulièrement qualifiée pour saisir ces enjeux.

La loi vient d’accorder aux pères un congé de paternité de 11 jours. C’est un progrès qui ne suffit pas à restaurer l’égalité. Par ailleurs, que dire de l’inégalité salariale entre hommes et femmes ? Certes, il y a des explications à cette situation : 90% des activités à temps partiel sont confiées à des femmes, mais ces activités partielles sont-elles choisies ou subies ?

C’est très tôt que l’inégalité hommes femmes s’insinue dans les mentalités et l’école y contribue : ne se contente-t-elle pas le plus souvent d’orienter les filles vers des filières littéraires au détriment des filières scientifiques réputées plus « masculines » ? Ne les écarte-t-elle pas de certains sports réputés « virils », le rugby par exemple ? C’est donc insidieusement et très tôt chez les jeunes que l’idéologie sexiste pénètre la société.

S’il est essentiel de voter des lois pour faire place aux femmes, c’est à leur application grâce à des indicateurs de suivi qu’il faut aussi veiller.
Monique RONZEAU remercie chaleureusement son invitée qui a su faire partager sa compétence et son expérience sous forme d’échanges particulièrement vivants et concrets.

Mardi 22 juin 2021 : l’Association Femmes Débat & Société recevait Alain Duhamel.

La Présidente de FDS, Monique RONZEAU, se montre très heureuse de retrouver les membres de l’Association à l’issue des périodes de confinement. Elle évoque les nombreux projets en préparation : poursuite des travaux sur la parité après le séminaire très réussi du 13 avril dernier, rencontre avec des femmes coréennes, dont l’organisation est prévue le 4 octobre prochain au Centre Culturel Coréen, etc…

Françoise VILAIN, Présidente d’honneur, accueille à son tour l’orateur Alain DUHAMEL, qui vient de publier « Emmanuel le Hardi » aux éditions de l’Observatoire. Inutile de présenter l’écrivain, qui est déjà venu nous rencontrer et dont les chroniques, actuellement sur BFM, sont depuis longtemps aussi connues qu’appréciées.

Alain DUHAMEL ne se contente pas de commenter son ouvrage : il évoque aussi l’actualité enrichie par les élections départementales et régionales en cours.

Pourquoi le choix d’un sobriquet dans le titre de l’ouvrage et pourquoi ce choix-là plutôt qu’un autre ? Parce que pratiquement tous les souverains ont eu un sobriquet au cours de l’Histoire de France et parce que la hardiesse sous-entend une prise de risques accompagnée de chances de gagner comme de rebondir en cas d’échec. La témérité, elle, s’accompagne d’une plus grande inconscience.

Elu sans parti, ni passé, ni image, Emmanuel le Hardi n’a jamais été un chef de parti. C’est un « bonapartiste » dont l’audace peut se comparer avec celle du Premier Consul. Il a conquis le pouvoir dans la rupture en mettant fin aux règles de la 5ème République. Ce pouvoir, il l’a personnalisé avec des techniques de communication différentes des techniques habituelles. Enfin, il fait preuve d’une volonté d’anticipation, d’une prise de responsabilités, d’un esprit de décision qui cassent les codes. Il n’hésite pas à déclarer l’Europe à reconstruire, l’OTAN en état de mort cérébrale et on en parle à l’étranger.

Il en va de même en politique économique. C’est un keynésien libéral qui a permis à la France de présenter des chiffres positifs fin 2019 début 2020, autrement dit avant la crise du Covid.

Face à la crise sanitaire, il a tâtonné, peinant à établir des rapports soutenus entre l’Etat central et les communautés locales. Toutefois, la protection individuelle des Français a été forte, ambitieuse et toutes les prévisions pour l’an prochain indiquent un taux de croissance supérieur à celui de l’Union Européenne.

En somme, le Hardi prend en main les choses et affiche ses choix. Par contre, que de maladresses en politique : des phrases sacrificielles pour un chef d’Etat prononcées à quinze reprises ! Et puis, de mauvais rapports avec les corps intermédiaires : là où Chirac s’entendait avec Force Ouvrière, Sarkozy avec la CGT et Giscard avec la CFDT, le Président MACRON ne trouve de terrain d’entente ni avec les syndicats, ni avec le MEDEF, ni avec les élus des métropoles. C’est avec ceux des petites villes que le courant passe le mieux.

Populaire, il a séduit au début de son mandat, avant d’être rejeté par 50% des Français qui ont déclaré avoir très mauvaise opinion de lui. Cette situation s’est améliorée aujourd’hui avec 25% seulement de mécontents.

Mais surprise devant le niveau de l’abstention aux élections régionales et départementales en cours ! Il faut remonter aux cantonales de 1791 et 1799 pour trouver un degré d’abstention comparable. Les explications abondent : la sortie du confinement, une météo favorable attirant les électeurs au grand air, l’absence d’une campagne explicite et l’inconscience de l’importance de ces scrutins locaux démotivent les électeurs.

Les conséquences sont importantes : la probabilité d’un duel Macron – Le Pen à la Présidentielle s’atténue. S’agit-il d’un phénomène conjoncturel ? 75% de l’électorat RN a négligé les isoloirs alors qu’aux présidentielles, 95% de ses partisans vient voter. A 10 mois des présidentielles, les pôles vont-ils s’effondrer ?

Alain DUHAMEL complète son exposé en répondant aux nombreuses questions qui lui sont posées. L’essentiel des échanges peut se résumer ainsi :

 

  • On parle beaucoup de la « colère » des Français : or, elle ne s’est pas vraiment exprimée dans les urnes. Pour lui, ce sentiment de colère n’est pas actuellement dominant. Ce que veulent les Français, c’est un climat serein qui leur fasse vivre une période agréable. Pour eux, actuellement, mieux vaut pacifier que dramatiser.
  • Assistons-nous à l’émergence d’une droite et d’une gauche ? La France s’est crue duale avec d’une part une gauche, d’autre part une droite dont l’identité a été brouillée par le Front National. Or, le pouvoir s’est depuis longtemps, même sous la IIIème et la IVème République, exercé au centre, centre-gauche ou centre-droit. Historiquement et localement, la droite est la première force politique du pays et la gauche est seconde. Les conseils généraux sont peuplés de divers droites et de divers gauches. Actuellement, le RN continue à peser et restera fort. En même temps, la droite a repris conscience de son existence. Sa base électorale existe et son candidat va surgir soit au moyen d’une primaire, soit de façon naturelle. La question est de savoir s’il y aura un ou deux candidats.
  • A-t-on été trop loin dans le non-cumul des mandats ? Il vaut probablement mieux cumuler un mandat national avec un mandat local, mais sans chercher à multiplier d’autres présidences.
  • Il faut se souvenir qu’en politique, les rapports sont violents. Il faut aussi différencier le candidat et le vainqueur de l’élection. Le candidat caricature l’adversaire car en campagne, on est outrancier contre les autres, ce qui se retourne contre soi-même une fois qu’on est élu.
  • Trouve-t-on encore des partis fondés sur des valeurs fortes ? Les plus populaires sont les moins agressifs. Les Français aiment la tolérance et le respect des adversaires : ce sont des perdants magnifiques. Les formations politiques ne sont pas mortes. Elles sont néanmoins concurrencées par le développement des nouveaux moyens de communication qui facilitent les échanges directs entre citoyens
  • La faiblesse de la participation des jeunes aux élections en cours est préoccupante : 75 à 80% d’abstentionnistes chez les 25 – 35 ans.

Alain DUHAMEL conclut en soulignant qu’en politique, on doit mobiliser une part d’espérance qui ne se laisse pas décomposer au bout de 6 mois.

La Présidente Monique RONZEAU remercie chaleureusement son invité pour la pertinence de ses propos et pour sa disponibilité.

 

 

Le mardi 11 février 2020, Femmes Débat Société accueillait Jean-Pierre RAFFARIN lors de son déjeuner mensuel.

Difficile de résumer l’intervention de Jean-Pierre RAFFARIN devant les membres de FDS à l’occasion de la sortie de son livre : Chine, le Grand paradoxe : sa maîtrise impressionnante du sujet et sa riche expérience personnelle en font un connaisseur unanimement reconnu de la Chine. FDS se félicite d’avoir pu bénéficier de ses analyses et le remercie de nous avoir fait partager son expertise avec une grande générosité sans ménager son temps ni éluder les nombreuses questions.

La présidente de FDS, Monique RONZEAU, après l’avoir accueilli, rappelle en préambule que Jean-Pierre RAFFARIN a été l’un des parrains-fondateurs, il y aura bientôt vingt ans, de Femmes, Débat & Société. L’objectif était alors de mobiliser les femmes de droite et du centre au service du débat public et des grands enjeux sociétaux. Pari tenu !!!

Inutile de présenter l’orateur : sa notoriété nationale (il a été l’un des premiers ministres de Jacques CHIRAC de 2002 à 2005) et sa proximité avec FDS suffisent à le situer. Toujours soucieux de promouvoir des femmes aux postes de responsabilité, il suggère de substituer l’alternance à la parité : par exemple, à une majorité d’hommes dans les instances dirigeantes pourraient succéder une majorité de femmes et inversement ensuite.

En France, on connaît mal la Chine, pays très contrasté où règne l’association des contraires : c’est le plus grand pollueur du monde en même temps que le champion de la lutte anti-pollution. C’est aussi un pays très centralisé : le parti communiste compte 90 millions de membres, plus que de français vivant sur cette terre….

Pourquoi Jean-Pierre RAFFARIN a-t-il écrit « ce » livre ? D’une génération nourrie à la connaissance et à l’influence de l’Amérique (à cette époque paraît l’ouvrage de Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER : Le Défi Américain), il souligne la nécessité aujourd’hui de préparer, notamment les jeunes, à relever un autre défi : la Chine est la plus grande nation du monde, mais nos derniers présidents de la République n’y étaient jamais allés avant leur élection…. Elle est assise sur 5000 ans d’histoire, mais celle-ci n’est pas connue dans nos pays européens. Alors que chez nous, en France, le révolté, le rebelle jouit d’une aura romantique, en Chine, c’est un coupable, coupable d’atteinte à une valeur chinoise essentielle : l’Unité. Chez nous, on raisonne comme un moteur à trois temps : thèse, anti-thèse et synthèse. La Chine se contente d’un moteur à deux temps : thèse et anti-thèse. Pour nous, le temps est linéaire ; on part de zéro pour aboutir à une culture de création. En Chine, on se transforme, on s’adapte : il n’y a pas de point zéro. Un contrat signé la veille peut se dénoncer le lendemain.

La Chine va devenir une puissance considérable et sera fréquentée par des jeunes. Elle sera la première économie du monde en 2050. Avec l’avènement de XI JIN PING, on a cru à son évolution vers une société libérale, ce qui s’est avéré erroné, le Parti communiste gardant une main ferme sur la société. Aujourd’hui, tout s’y accélère : à population sensiblement égale, la ville de Châtellerault avait noué des liens avec celle de Shenzen. Quelques années après, celle de Shenzen s’évaluait à 8 chiffres tandis que celle de Châtellerault se contentait de doubler ou tripler.
La Chine est-elle une puissance agressive ? Non ! Comme tout pays, la Chine roule pour elle-même, mais elle n’a jamais fait la guerre hors de chez elle, alors que l’histoire montre que les européens l’ont fait à de nombreuses reprises (exemple de la guerre de l’opium). La Chine cherche à se développer à son rythme et à développer une classe moyenne. Au tout début de ce siècle, la Chine a réalisé qu’elle allait devenir la première nation du monde, mais elle a adopté une stratégie de discrétion. Puis en 2008, elle a décidé d’assumer sa position et ce furent l’Exposition Universelle, les Jeux Olympiques. Elle a cherché un leader susceptible d’incarner la puissance chinoise au niveau mondial avec XI JIN PING et a développé de grands projets, telle la route de la soie. Elle participe maintenant à la gouvernance du monde.

Devant ce réveil, le monde a eu peur. Avec l’arrivée de D.TRUMP et alors que beaucoup de chinois ont de la sympathie pour les USA, le nouveau président instaure une tension avec la Chine qui sera longue et durable. L’Amérique a peur de la Chine et la Chine veut prendre la place de l’Amérique, ce qui engendre une relation nécessairement conflictuelle, mais l’Amérique a aussi conscience des risques économiques encourus, notamment en Bourse. Si guerre il doit y avoir, ce sera probablement sur l’indépendance de Taïwan.

Quelle place pour l’Europe dans ce contexte ? Clairement sous pression américaine, comme en témoigne l’affaire Hua Wei : désireuses d’utiliser la 5 G, les entreprises européennes s’en voient dissuadées par les Etats-Unis. De même, ils ont encouragé le Brexit, pénalisé les échanges européens avec l’Iran, etc … Au final, faute d’une stratégie commune, l’Europe risque de n’être qu’une balle de ping-pong à la merci des ambitions des Etats-Unis et de la Chine, stratégie commune à construire grâce à une collaboration franco-allemande. Or, l’Allemagne qui n’approuve guère notre gestion économique, est elle-même plombée par sa crise automobile, son recours à l’énergie du charbon et ses problèmes migratoires. Sur le plan de la sécurité, la France ne peut plus compter uniquement sur les américains : il lui faut se rapprocher de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine…. L’urgence : préparer nos jeunes esprits à l’état du monde, à comprendre l’Asie.

En réponse aux nombreuses questions de l’assistance, Jean-Pierre RAFFARIN souligne les points suivants :

  • la pénétration chinoise en Afrique suscite des inquiétudes. Elle ne respecte ni les règles de l’OCDE ni les lois des Etats, d’où une concurrence inégale. Mais ce sont les Etats-Unis qui refusent d’admettre la Chine dans l’OCDE. Notre organisation est liée de près aux Etats-Unis, alors que nous aurions intérêt à traiter les américains comme les chinois.
  • on attribue souvent la position des Etats-Unis à l’élection de D.TRUMP. En réalité, tout a commencé avec B.OBAMA, l’actuel président n’a fait qu’accélérer l’évolution. Nous-mêmes européens, avons mis V. POUTINE dans les bras des chinois à la suite des tensions apparues dans les pays baltes et dans les pays de l’Est. Un exemple ? Vient d’être distribué en Suède un livret indiquant quoi faire en cas de guerre avec la Russie …Il est urgent que la diplomatie européenne – franco-allemande en particulier - ouvre le dialogue avec la puissante diplomatie russe.
  • la démographie africaine explose : d’ici 2040, un milliard de jeunes africains seront à intégrer. La France, à elle seule, n’en a pas les moyens. Il faut qu’elle établisse un dialogue avec les pays africains concernés et avec les chinois qui, en Afrique, ont besoin de partenaires.
  • en Iran, l’Europe a jusqu’à maintenant encouragé la modernisation. Elle cherche aujourd’hui un accord de désarmement et elle a besoin de la Chine, qui est le premier partenaire commercial de l’Iran, pour l’y aider.
  • la Chine est un pays où règle une totale sécurité, au moyen entre autres de la reconnaissance faciale. En France, il n’en va pas de même: c’est plutôt le règne du « pas vu, pas pris ». Le vrai problème est ce que la Chine va faire de ces données. Il faut se souvenir qu’en Chine le groupe l’emporte toujours sur l’individu.
  • sur le plan démographique, la Chine est sortie de la politique de l’enfant unique. On peut raisonnablement penser que l’Inde et l’Afrique vont parvenir à maîtriser leur démographie. C’est aux pays eux-mêmes qu’il revient de le faire, car les peurs qui envahissent les pays d’immigration ne règlent rien.
  • en matière d’éducation, les exigences asiatiques sont très fortes. Un enfant coréen peut devoir travailler une quinzaine d’heures par jour. Les plus jeunes sont soumis à des pressions analogues à celles qui règnent au sein de nos « prépas ». Ces populations développent une grande puissance de travail.

C’est à Françoise VILAIN, Présidente d’Honneur de l’Association, qu’est revenue la mission de remercier l’orateur pour avoir partagé son incomparable expérience d’un pays qui reste trop méconnu en France. Comment ne pas inciter nos jeunes à se familiariser d’urgence avec la Chine : acteur majeur du monde de demain ?